Triste tigre, roman français le plus récompensé en 2023


« J’ai longtemps eu la sensation d’être seule prisonnière dans cette cave, mais avec l’intuition intellectuelle que cette sensation était une illusion due au traumatisme et au silence de la société. »

Très remarqué lors de la rentrée littéraire 2023, Triste tigre est le récit brillant de Neige Sinno dans lequel elle raconte et analyse l’inceste dont elle a été victime de ses 7 à 14 ans par son beau-père. C’est aussi, plus largement, une réflexion sur les mécanismes de domination, et sur la littérature en tant que refuge face à la violence. Certaines scènes décrites sont saisissantes, mais le livre peut également s’apparenter à une enquête, une enquête qui s’approche au plus près des faits et tente de décortiquer le poids du silence et la complexité de parler. Le récit est entrecoupé de passages dans lesquels Neige Sinno questionne une littérature que l’on connaît tous, en revenant notamment sur Lolita de Nabokov, sur les ouvrages de Zola, Virginia Woolf, les textes de Virginie Despentes, Toni Morrison.

L’autrice explique avec honnêteté ne pas être en mesure de représenter l’histoire de toutes les victimes de viol et d’inceste, mais sa confession est une pierre à l’édifice d’une justice nécessaire, pour toutes celles et ceux qui sont passés par « l’enfer des abus ».

Le titre du roman trouve son origine dans l’ouvrage Tigre, tigre ! de Margaux Fragoso sur les violences sexuelles paru en 2011. Elle l’avait elle-même tiré du poème de William Blake, The Tyger (issu du recueil Chants d’Innocence et d’Expérience), que Neige Sinno analyse en ces termes : « Le fauve est un prédateur, un animal féroce, d’une effrayante beauté, brûlant et destructeur. C’est une figure prométhéenne, une figure de feu, de mort. Et son insondable violence pose à l’univers une énigme. »

Finaliste du Goncourt et unanimement salué par la critique, Triste tigre a été successivement lauréat du prix Le Monde, du prix Femina, du prix Les Inrockuptibles, du prix Blù Jean-Marc Roberts, sans oublier le Goncourt des lycéens, et également le choix Goncourt de la Suisse et celui, plus récemment, de la Finlande. On peut lire, dans Le Monde, un éloge de « son intelligence, sa puissance, son honnêteté radicale qui parvient, bravache, à ménager une place à l’humour ».

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